NOTE D’INTENTION
Moi, le Ferré que j’aime le plus, il est là tout entier, dans ce récital incroyable de début 69 à BOBINO. Imagine : l’après mai 68, ce rêve d’une révolution morte de mort pas très naturelle ; maussades la rentrée des classes et le retour du général Frappart ; et puis sa tragédie à lui, Ferré, tragédie intime mais connue de tous, la mort sanglante des animaux, la mort de l’amour, sa libération aussi, sa révolution à lui…
Bon, c’est mon Léo Ferré à moi, celui que j’ai découvert sur scène à ce moment-là, j’avais vingt ans, j’aimais ses chansons depuis toujours et j’ai eu ce soir-là un des chocs artistiques et émotionnels de ma vie. Simplicité absolue, dépouillement, voix et présence irradiantes, toute sa performance avait la force d’un aveu. S’ajoutait à la magie du spectacle le sentiment, sûrement ressenti par chaque spectateur, qu’il ne chantait QUE POUR MOI !
Seul en scène avec Paul Castanier, son pianiste, l’aveugle à qui est dédié La Nuit, Ferré débarquait à Bobino avec une formidable brassée de fleurs nouvelles : poèmes fraichement mis en musique Madame la misère, A toi, Le testament, publiés dans le recueil POETE… VOS PAPIERS ! plus de dix ans avant, mais qui semblaient autant écrits à chaud que L’été 68, La Révolution, Comme une fille, Ils ont voté, Pépée… Tout sonnait neuf, d’une actualité bouleversante, un Léo Ferré nouveau, phénix surgi des flammes. D’ailleurs son public a radicalement changé à partir de là : il a rajeuni d’une génération. Imagine 69, l’année érotique selon Gainsbourg, et les fleurs lubriques et somptueuses de C’est extra, ou de Petite… Seize chansons sur les 26 du récital sont crées à Bobino cet hiver-là.
Après pas mal d’années à le chanter passionnément (dans mes deux spectacles THANK YOU SATAN et COMPAGNON D’ENFER, sans parler de ma participation l’an dernier à la création de son OPERA DU PAUVRE) l’idée m’est venue de poursuivre cette histoire sans fin avec Léo Ferré en « recréant » tel quel cet extraordinaire récital, BOBINO 69, en mettant mes pas dans les siens, ma voix dans la sienne, sans rien changer à l’ordre des chansons qui contient toute la « dramaturgie » secrète du spectacle, et en me laissant hanter par mes souvenirs de lui et de moi à vingt ans, en ce temps où « la révolution venait d’être mise, pour longtemps, à glander ». Christophe Brillaud, depuis sept ans déjà « mon » magique pianiste et frère musical et qui connaît son Léo Ferré comme personne, m’accompagnera une fois encore dans cette aventure.